La Clarinette a été inventée par Jean-Christophe Denner (1655 - 1707), membre d'une famille de facteurs d'instruments de Nuremberg, célèbre pour ses flûtes à bec. Il perfectionna le chalumeau, instrument rudimentaire, et fabriqua le premier instrument vers 1690. Au cours des années suivantes, l'inventeur et ses fils apportèrent de nombreuses améliorations au nouvel instrument dénommé Clarinette.
La Clarinette rencontra vite la faveur des plus grands du XVIIIème siècle. Jean-Philippe Rameau l'introduisit dans l'orchestre de l'Opéra en 1749 avec sa partition de Zoroastre. Mozart écrivit pour elle des pages illustres et elle devint un véritable instrument soliste au même titre que le violon ou la flûte.
Jean-Christophe Denner s'inspira du chalumeau pour réaliser la Clarinette. Le nom de chalumeau vient du latin classique calamus qui signifie roseau. Du XIVème au XVIIème siècle, il est connu sous différentes formes : Chalemie, Chalemine, Chalemelle, Calamaule, Colamos, Canemelle et Chalumeau.
Le chalumeau est constitué d'un tube cylindrique et d'une anche simple. Toutefois, la clé d'octave (qui sert en fait à quintoyer) n'existant pas, la tessiture ne dépassait guère la 10ème, avec un chromatisme approximatif.
Il est probable qu'au début DENNER ait pensé à améliorer le chalumeau. Il est donc prudent de considérer que les œuvres prétendument écrites pour la Clarinette au début du XVIIIème siècle (par Haendel, Mattheson, ...) ne lui étaient pas totalement attribuées.
Au début, la Clarinette ne diffère essentiellement du chalumeau que par l'adjonction de la clé d'octave grâce à laquelle les sons harmoniques à la douzième sortent sans efforts ni difficultés.
Le second registre ainsi obtenu est beaucoup plus éclatant que le registre grave initial qui va conserver son appellation de chalumeau.
Ainsi, la fameuse trompette utilisée par Jean-Sébastien Bach, aux intonations par trop périlleuses, sera vite oubliée au bénéfice de la Clarinette pour son registre aigu appelé clairon ou clarine par assimilation de son timbre éclatant avec celui de la Clarine ou du Clarino.
Enfin, des doigtés artificiels permettent d'obtenir encore quelques notes aiguës supplémentaires d'un timbre considéré alors comme désagréable.
Autre innovation, peut-être pour accentuer la ressemblance du nouvel instrument avec la clarine, Denner affubla l'instrument d'un pavillon qui améliora par la même occasion la sonorité des sons graves.
D'une conception identique sur le chalumeau et la Clarinette, le "bec" a peu évolué depuis Denner. Tout d'abord disposé de manière à ce que l'anche soit en contact avec la lèvre supérieure de l'instrumentiste, il interdisait les nuances dynamiques (détachés, notes piquées, notes accentuées, ...) dont, à vrai dire, on ne se préoccupait guère au XVIIIème siècle. Il semble que les clarinettistes allemands aient été les premiers à adopter la disposition inverse (anche sur la lèvre inférieure) aujourd'hui généralisée. Toutefois, le maître de cette nouvelle technique, qui permettait une plus grande maîtrise de la sonorité, de la justesse et des nuances, fut le clarinettiste français Frédéric Beer (1794 - 1838). Il fut professeur au Conservatoire de 1832 à sa mort.
Longtemps l'anche de la Clarinette fut maintenue sur le bec au moyen d'une ligature faite d'un long fil savamment enroulé. L'invention de la ligature mécanique allait simplifier cette opération, mais elle fut cependant repoussée par les instrumentistes, souvent allemands, qui refusaient cette solution mécanique.
La Clarinette de DENNER n'offrait jusque-là qu'une échelle incomplète de notes ; elle ne comportait que 2 clés (pouce gauche pour faire quintoyer et index droit). Au cours du XVIIIème siècle, d'autres clés furent inventées, tout d'abord jusqu'au nombre de 5, conférant à la Clarinette un chromatisme encore imparfait. C'est avec cet instrument que furent crées les œuvres de Mozart.
Au début du XIXème siècle, le musicien Ivan Müller (1786 - 1854) porta le nombre des clés à 13. Cette Clarinette triompha très vite des autres modèles déjà existants et acquit ses qualités actuelles de justesse et de timbre.
Mais, en 1843, Hyacinthe Klosé (1808 - 1880), disciple et successeur au Conservatoire de Frédéric Beer, fit adapter à la Clarinette, en collaboration avec le facteur M.A. Buffet, le système de cléterie que Théobald Bœhm venait de mettre au point pour la flûte. Le succès est immédiat et la Clarinette système Bœhm est adoptée, supplantant presque le modèle de Müller.
Parmi les dernières améliorations, apportées au XIXème siècle, relevons l'adjonction par Klosé, vers 1843, d'un barillet, destiné à faciliter et à stabiliser l'accord.
Aujourd'hui, la clarinette comporte selon les modèles de 17 à 20 clés et de 6 à 7 anneaux.
Les Clarinettes existent en plusieurs tonalités (donc ce sont des instruments transpositeurs, sauf pour les clarinettes en Ut) car, autrefois, elles étaient nécessaires, tout d'abord, en raison de l'échelle défective des instruments de Denner, puis de la difficulté à moduler des instruments au XVIIIème siècle.
Tonalités : mi b, la b ou ré
La plus utilisée des trois est celle en mi b ; mais elle est peu usitée car très courte d'où des difficultés de doigté.
Elle joue souvent, et bien à tort, un simple rôle de doublure dans les harmonies militaires.
Berlioz utilise son timbre agressif dans un but caricatural dans le Final de la Symphonie Fantastique.
Tonalités : si b, la, ut, ré
La Clarinette Soprano en Si b est la plus pratiquée de toutes les Clarinettes.
La Clarinette Soprano en ré a aujourd'hui disparu.
Tonalités : mi b
Tonalité : fa
En fait, c'est une Clarinette Alto en fa.
Le son du Cor de basset a été souvent utilisé pour l'évocation de la mort :
Tonalités : si b, la
La clarinette basse a une forme très particulière : le corps central est toujours droit mais le barillet est remplacé par un bocal en col de cygne, le pavillon est également recourbé, de sorte que la forme de l'instrument rappelle celle du Saxophone.
Son timbre est très recherché pour ses inflexions de baryton, douces et suggestives, qui se prête à de magnifiques solos (comme ceux de la Tétralogie de Richard WAGNER).
Tonalités : mi b, si b
Ces clarinettes ont la même forme que la clarinette basse.
Elles sont très rares.
La Clarinette est un instrument de perce cylindrique, à anche simple battante, construite généralement en bois d'ébène (exceptionnellement on en fabrique en cuivre ou en cristal).
Elle se compose de 5 parties s'emboîtant les unes dans les autres.
Il est en ébonite ou en cristal avec une ouverture rectangulaire sur la partie inférieure (la table) sur laquelle se fixe l'anche au moyen d'une ligature métallique ou en cuir dont la tension est réglée par des vis.
L'anche est une petite lame de roseau (ou en matière plastique). Sa forme et ses dimensions sont telles qu'elle obstrue très exactement l'ouverture inférieure du bec.
Ce sont les vibrations de cette anche flexible qui produisent le son.
Il doit son surnom à sa forme légèrement renflée. Il permet l'accord de l'instrument.
Il est réservé au jeu de la main gauche.
Il est réservé au jeu de la main droite.
Il est percé de 24 trous et pourvu d'un mécanisme de 17 clés.
Il prolonge le corps du bas et il est essentiel pour la puissance et la couleur des sons les plus graves.
L'étendue de la Clarinette, la plus vaste de tous les instruments de la famille des Bois, ne couvre pas moins de 3 octaves et une sixte, soit 45 notes.
Cette tessiture se divise, du grave à l'aiguë, en 5 registres :
Au début, la Clarinette était employée sous sa forme proche du chalumeau, comme instrument populaire, à côté des cornemuses et des fifres. Sa sonorité perçante lui permettait de se faire entendre en plein air. Puis la Clarinette fut considérée comme un instrument plus ou moins pastoral, simple variante du hautbois. L'Edition originale de la Grande Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1751-1772) présente l'instrument comme un espèce de hautbois. Il faudra attendre les suppléments de 1777 pour en trouver enfin une description correcte. Les premiers compositeurs à s'y intéresser le considèrent comme tel. Rameau passe pour avoir été l'introducteur des Clarinettes à l'Opéra avec son opéra Zoroastre en 1756 ; comme la partition ne comporte pas de partie de Clarinettes, il est vraisemblable que deux Clarinettes jouèrent les parties de hautbois. Vivaldi aussi l'employa pour doubler le hautbois dans ses deux concertos de Turin.
Comme pour les bassons, la grande chance de la Clarinette fut l'édit de Louis XV en 1756 transformant la composition des musiques militaires. Désormais, les hautbois étaient remplacés par les Clarinettes. Les musiques ne comportèrent plus, désormais, que des Clarinettes, des cors et des bassons, auxquels pouvaient s'ajouter éventuellement des petites flûtes. Cet ensemble, automatiquement adopté par les loges maçonniques françaises, où la musique militaire était de rigueur, allait bientôt s'y voir confier l'interprétation non seulement de marches, mais aussi de musiques plus ambitieuses, essentiellement des arrangements de fragments d'Opéras, ou des symphonies spécialement écrites pour eux. Beethoven, qui fut un maçon fervent, sinon assidu, l'utilise pour une petite marche d'allure maçonnique et surtout pour l'accompagnement de son Bundeslied op. 122, chant maçonnique rituel écrit sur un texte de F. Goethe.
Avec Mozart cette tendance à incorporer les Clarinettes au rituel maçonnique allait être plus nette encore puisqu'il y remplaçait cors et bassons par d'autres représentants de la famille de ces mêmes Clarinettes.
La Révolution, avec ses déploiements immenses de musiques militaires, accorde aux Clarinettes une place tellement privilégiée que le seul terme "Clarinette" suffit à désigner la formation musicale les intégrants. "Le champ de Mars fut construit au son des Clarinettes", écrit un auteur de l'époque. Désormais, l'instrument s'est nettement séparé du hautbois, il n'est plus en rien pastoral.
Ses possibilités d'évocation macabres vont être largement mises à profit par les romantiques.
Avec les musiciens du Mannheim (Allemagne), la Clarinette était dès 1754 incorporée à l'orchestre.
Mozart, Beethoven, Weber sauront en définir l'exploitation classique symphonique à laquelle leurs successeurs ne pourront ajouter aucun effet nouveau.
Dans l'Opéra Der Freischütz, Weber utilisa la Clarinette dans l'Ouverture pour évoquer l'intensité dramatique.
En fait depuis Beethoven, "il est peu de symphonies ou d'œuvres dramatiques où elle ne joue pas en solo" (G. Gourdet).
La Clarinette fut utilisée ensuite dans les musiques de chambre dans de multiples formations.
Quand à son emploi dans le jazz, elle fit partie dès l'origine (1895) des petits orchestres de New Orleans. Parmi les virtuoses, citons Sidney Bechet, Barney Bigard, Jimmy Noone, Johnny Dodds, Benny Goodman (également "clarinettiste" classique de valeur).
Rameau (1683-1764) : | Zoroastre (1749) |
Molter (1695-1765) : | 4 concertos |
Mozart (1756-1791) : | Concerto en La M pour clarinette K.622 (1791) |
Spohr (1784-1859) : | Concerto |
Weber (1786-1826) : | Concerto |
Debussy (1862-1918) : | Rhapsodie pour clarinette et piano (1911) |
Nielsen (1865-1931) : | Concerto pour clarinette op.57 (1928) |
Copland (1900-1990) : | Concerto pour clarinette (1948) |
Françaix (1912-1997) : | Concerto (1967) |
Mozart (1756-1791) : | Adagio pour 2 clarinettes et cor de basset K. 411 Quintette pour clarinette et cordes K.581 Trio en Mi b pour clarinette, piano et alto |
Beethoven (1770-1827) : | 3 duos pour clarinette et basson |
Brahms (1833-1897) : | Quintette pour clarinette et cordes en Si M (1891) 2 Sonates pour clarinette et piano |
Schumann (1810-1856) : | Fantaisie Stucke |
Bartók (1881-1945) : | Contrastes |
Berg (1885-1935) : | 4 pièces pour clarinette et piano (1900-1914) |
Mozart (1756-1791) : | Symphonie en Ré M dite "Parisienne" (1778) |
Berlioz (1803-1869) : | La Symphonie Fantastique (1830) où il met en valeur la petite clarinette |
Stravinski (1882-1971) : | Le Sacre du Printemps (1913) où on se souvient d'un passage inoubliable joué par la petite clarinette et la clarinette basse à l'unisson à 2 octaves d'écart |
Prokofiev (1891-1953) : | Pierre et le Loup (1936) où la clarinette représente le chat |
Boulez (1925-) : | Domaines (1968) |
Berio (1925-2003) : | Sequenza (1984) |